D’une imagination débridée, la tigresse du design ne respectait aucun cadre, aucun code. Première femme à avoir remporté le prix Pritzker, le Nobel de l’architecture, en 2004, elle est la femme architecte par excellence. Une architecte issue du monde arabe, où les mathématiques et la géométrie sont comme le vocabulaire et la grammaire. Artiste controversée, Zaha Hadid a longtemps dessiné sans pouvoir réaliser le moindre édifice. À 42 ans, en 1992, elle achève enfin son premier bâtiment, la caserne des pompiers de Vitra, près de Bâle. Il lui faudra ensuite attendre près de dix ans pour construire une gare de tramways à Strasbourg, qui lui vaudra l’Équerre d’argent en 2002. Depuis, sa carrière a décollé avec un tremplin de saut à ski à Innsbruck, doté d’un restaurant intégré, le Centre d’art contemporain Rosenthal de Cincinnati, un opéra à Canton, une école à Londres, le centre aquatique pour les prochains J.O., un étonnant musée à Glasgow. Bref, une émulation de création à l’international.
Refusant l’ordre linéaire de l’architecture moderne, elle arbore un style unique reposant sur l’utilisation des courbes, d’angles vifs et de plans superposés. Principale représentante du déconstructiviste moderne, la « diva » bouscule les conventions architecturales classiques. D’une imagination débridée, la tigresse du design ne respecte aucun cadre, aucun code.
LONDON AQUATICS CENTER
L'architecture du London Aquatics Centre est en harmonie avec le paysage fluvial du Queen Elizabeth Olympic Park dans lequel il se dresse, et s'inspire de la géométrie fluide de l'eau en mouvement évoquée par le toit ondulé de la structure qui, d'un seul geste, en recouvre le volume. L'édifice a remporté le Royal Institute of British Architects (RIBA) National Award 2014
C'est du mouvement fluide de l'eau que s'inspirent également les courbes sinueuses du bureau de réception, une sculpture réalisée d'une seule pièce, conçue par le cabinet Zaha Hadid Architects et réalisée par DuPont™ Corian(r). La double courbe de cet élément monolithique a été obtenue grâce à un thermoformage expert et à des techniques de jonction. Les formes sinueuses du bureau de réception sont reprises par les murets barrière situés à l’entrée, par les écrans d'affichage et par les points d'information interactifs.
MAXXI
Dans son langage, le Musée des arts du XXIe siècle de Rome, le MAXXI, s’écrit en majuscules et avec deux X, comme dans XXL. Les longues rampes d’escalier qui se déplient et zèbrent l’espace y rappellent la pente en colimaçon du musée Guggenheim de New York. Le musée a été élu Immeuble de l’année en 2010 par le congrès des architectes. La complexité des formes, les murs curvilignes, les diverses parties qui s’entrecroisent définissent l’espace en projetant les visiteurs dans des parcours toujours différents et inattendus, dans lesquels des environnements multiples cohabitent dans une série de galeries éclairées par la lumière naturelle.
ME DOUBAI
Unique hôtel entièrement conçu par Zaha Hadid de son vivant, le ME Dubai détonne par son architecture hors norme. Récemment livré, ce bâtiment, qui compte 84 300 mètres carrés de surface totale, a été conçu comme deux tours distinctes se rejoignant pour former un cube éventré en son centre. Reliées par un atrium de quatre étages au niveau du sol, elles sont également assemblées par trois étages à 71 mètres au-dessus du sol, créant ainsi au milieu un vide incurvé impressionnant réalisé à partir d’une modélisation numérique 3D. Si la structure extérieure habillée d’une surface miroir reflète le jour les gratte-ciels environnants, la nuit c’est le vide qui capte toute la lumière en s’habillant d’un halo bleuté. À l’intérieur, on retrouve les courbes chères à l’architecte irako-britannique et son mobilier au design futuriste équipant les 74 chambres et 19 suites de l’hôtel. Outre le ME Dubai, The Opus accueille également des bureaux, des résidences privées ainsi que de nombreux restaurants, cafés et bars.
HEYDER ALIYEV
À l'image d'un coquillage de la mer Caspienne qui se serait échoué sur le rivage de la cité de l'or noir, le centre culturel Heydar Aliyev de Bakou symbolise l'essor et la prospérité de la capitale de l'Azerbaïdjan, devenu indépendant en 1991. Fidèle aux lignes fluides et aux courbes organiques qui sont sa marque de fabrique, Zaha Hadid a conçu un complexe polyvalent de 52 000 mètres carrés dont le profil a été dessiné comme un coquillage géant. Authentique prouesse technique, son enveloppe extérieure en aluminium-polyester regroupe sous ses replis immaculés tout à la fois un centre de congrès, un musée, trois auditoriums ainsi qu'une vaste bibliothèque. Avec ses façades vitrées où pénètre la lumière naturelle, l'ensemble joue des transparences pour faire corps avec le parc dont le paysage s'étend en terrasses sur une superficie de 9 hectares. L'autre surprise de la conque de Zaha Hadid ? L'édifice change constamment d'apparence selon les angles de vue et les différents reflets de la lumière du jour, suivant les heures. Et se métamorphose la nuit, quand l'éclairage artificiel transforme ce splendide dedans-dehors en véritable phare brillant dans la ville.
HAVENUIS
L’Havenhuis mélange désormais deux styles architecturaux totalement différents : la caserne désaffectée des pompiers, monument classé, daté de la fin du XIXe siècle, et la nouvelle extension recouverte de deux mille triangles de verre. Entre les deux, à la jonction du passé et du futur, un unique pied de béton qui permet au vaisseau avant-gardiste imaginé par Zaha Hadid de surplomber l’ancien bâtiment tout en propulsant le nouveau vers le ciel. Cette transformation symbolise les deux spécialités de la ville : sa forme en proue de navire évoque l’activité maritime tandis que ses facettes miroitantes rendent hommage aux diamantaires qui, au fil des ans, ont établi la prospérité de la cité flamande devenue le deuxième port à l’échelle européenne. Une association audacieuse illustrant à merveille les dires de l’ancien professeur de Zaha Hadid, le fameux Rem Koolhaas, qui déclarait à son propos : « Ce qu’il y a d’unique dans son œuvre, c’est la combinaison d’une énergie énorme et d’une infinie délicatesse. »
DE L’ARCHITECTURE A LA MODE
Précurseur d’une architecture spectaculaire, l’anglo-irakienne n’a cessé de bouleverser les lignes, inventé de nouvelles formes et contribué à transformer le paysage quotidien. Une signature puissante que les maisons de mode, dont Chanel lors du défilé de la collection croisière 2016 au Dongdaemun Design Plaza, centre culturel au design néo-futuriste, n’ont pas manqué de repérer.
De la fusion de l'esprit historique Louis Vuitton et du style unique de l'architecte naît un sac aux courbes signatures. D'abord pensé comme un contenant, le Bucket Bag devient tout à la fois sac, pochette et seau dans un coloris blanc éclatant logotypé des motifs Louis Vuitton. Son cœur fuchsia se fait OVNI mode, hésitant entre objet couture et sculpture moderne. Côté chaussures, elle enchaîne les collaborations avec la marque brésilienne Melissa, Flames Shoe United Nude ou encore Nova Shoe United Nude. En 2009, elle réinterprète de façon digitale, le logo Lacoste devenant une empreinte apposée sur le corps. Elle a aussi dessiné l’Aqua Table, une étonnante table en polyuréthane, son matériau fétiche. Elle imagine des sofas en forme de boomerang et un extraordinaire banc en frêne, un bois à la fois dur et élastique, pour le musée d’Ordrupgaard au Danemark. Lorsqu’elle conçoit un ensemble composé d’une cafetière, d’une théière, d’un pot à lait et d’un sucrier, cela devient une « sculpture de table ». Un géni au service des plus grandes maisons, en somme.
Crédit photo : Mary McCartney